Fricassée de poularde de Bresse aux écrevisses
poivre de Sarawak
fleur de sel
500 g d’écrevisses vivantes
huile d’olive
une gousse d’ail
un bâtonnet de fenouil
750 g de carcasse de volaille
têtes et pinces de la moitié des écrevisses
3 g de poivre de Sarawak
150 g d’échalotes grises
1/2 tête d’ail
une cuillère à soupe de concentré de tomates
2,5 cl de cognac
25 cl de jus de volaille
50 cl de fumet d’écrevisses
un bâtonnet de fenouil sec
une gousse d’ail
une branche de thym
100 g de girolles
2,5 cl de Madère
vinaigre de Barolo
une cuillère à soupe de crème montée
Il n’est pas chose rare que de voir fleurir moult comparaisons entre fricassée de volaille aux écrevisses et célèbre poulet dit ‘à la Marengo‘. Une recette volontiers associée à la victoire décisive du 14 juin 1800 de Napoléon Bonaparte sur le Saint-Empire dans une plaine du Piémont. L’origine de la fricassée de poularde est pourtant à chercher durant le Grand Siècle, les écuyers de bouche françois, c’est-à-dire les cuisiniers français du XVIIe siècle inventent une nouvelle cuisine, la cuisine françoise qui se démarque enfin des préparations héritées d’Espagne et d’Italie faites d’épices et d’une débauche de sucre. Ces cuisiniers français regorgent alors d’inventivité pour confectionner milles ragoûts dits de haut-goût, relevés donc. La fricassée de volaille devient rapidement incontournable dans toutes les bonnes tables du Marais à Paris. Fricassée devient un mot courtois du premier XVIIe siècle invitant à faire bonne chère. Ce mode de préparation aisé fait les volailles croquantes et moelleuses à la fois comme l’écrit François Massialot. Ces recettes de fricassées ou de fritaux deviennent extrêmement populaires et incarnent ce nouveau goût national où la saveur des produits est mise en avant. Plus tard à l’aube du XIXe siècle, la victoire de Bonaparte sur les Autrichiens enivre Paris et la mode de Marengo se fait sans tarder. Il est autrefois commun de nommer les plats avec des victoires dans une époque où le sentiment patriotique est exacerbé par les batailles menées en cascade par le Premier Consul, c’est ainsi que le fritaux à la Horly devient poulet (ou poularde) à la Marengo. Cinquante huit ans plus tard, une dictée vient parfaire la légende. Après la glorieuse victoire pliée en six heures, le cuisinier de Napoléon se trouva fort dépourvu et improvisa une recette pour célébrer le héros avec les moyens du bord, une volaille et quelques écrevisses. Évidement cette histoire ne repose sur aucun témoignage, Théophile Petit en fait une dictée, basée dit on sur une anecdote sans sources d’Édouard Fournier qui se serait lui même inspiré d’un ouvrage de Valéry Pasquin. Qui plus est, la recette ne mentionne ni les écrevisses, ni les tomates, ces mêmes pommes d’amour qui deviendront indissociables des fricassées de poulet à partir de la fin du XIXe siècle. Alors l’origine du plat serait davantage à chercher du côté du Bugey où la sauce Nantua fait déjà autorité depuis le milieu du siècle et où on consomme avec appétit les délicieuses poulardes de la Bresse voisine. Sans être héritière d’une rocambolesque histoire, cette recette s’est imposée, parfois accompagnée d’un gratin dauphinois ou d’un gâteau de tartouffes et enrichie de truffes. Il faut dire que l’association de la poularde et des écrevisses est mémorable et fait une sauce unique dans laquelle il est bon de fricasser sa volaille. En début de saison des écrevisses on peut remplacer les girolles par des morilles et dès la fin août par des cèpes. Nous avons choisi le poivre long de Kampot pour son haut-goût qui se marie bien avec les crustacés de rivière mais pour une recette plus authentique, pourquoi ne pas le remplacer par du piment de Cayenne comme il était d’usage de le faire au temps de Lucien Tendret dans les heureuses maisons de Belley. Quant aux heureux Piémontais libérés et spectateurs de la débâcle autrichienne, ils célèbrent encore la victoire française en cuisinant eux aussi la poularde aux écrevisses.
1. Préparation de la poularde
Flamber, vider et habiller la poularde. Lever les cuisses, séparer les hauts de cuisse des pilons. Désosser les hauts de cuisse, les assaisonner puis les rouler dans du film alimentaire supportant la cuisson. Manchonner et dénerver les pilons, assaisonner et filmer également pour les maintenir en forme. Séparer les ailes au niveau de la jointure, les manchonner et les assaisonner. Disposer tous les éléments dans un sac de cuisson sous-vide et faire cuire au bain-marie pendant huit heures à soixante quinze degrés. Faire décanter sur une petite grille, conserver le jus et sécher parfaitement la viande puis réserver.
2. Préparation des écrevisses
Châtrer les écrevisses en pratiquant une légère torsion de la nageoire centrale, tirer délicatement pour extraire le boyau d’un seul coup et séparer immédiatement la tête de la queue. Réserver les têtes et les pinces pour la confection du jus et du beurre parfumé.
Faire chauffer un filet d’huile d’olive dans un sautoir, ajouter immédiatement les queues d’écrevisses qu’il est impératif de faire cuire rapidement et laisser cuire pendant trois minutes. Ajouter l’ail en chemise et le fenouil sec, couvrir d’un linge humide et réserver pendant dix minutes hors du feu sans découvrir. Après refroidissement, décortiquer les queues d’écrevisses délicatement et réserver au frais.
3. Préparation du jus poularde-écrevisse
Faire chauffer un filet d’huile dans une cocotte en fonte, ajouter les pilons et les ailes de poularde concassés et faire vivement colorer. Ajouter les têtes et les pinces d’écrevisses, bien mélanger et laisser cuire quelques minutes. Ajouter les poivres, les échalotes émincées, l’ail en chemise, le concentré de tomates et les tomates fraîches coupées en quartiers. Laisser suer et mouiller avec le cognac. Flamber et faire réduire à l’état de glace. Mouiller avec le jus de volaille et le fumet d’écrevisses chaud. Ajouter le fenouil sec, porter à frémissement et laisser mijoter pendant une demi heure. Chinoiser et faire réduire à belle consistance.
4. Finitions et dressage
Faire chauffer une noix de beurre d’écrevisse dans un sautoir, ajouter les morceaux de volaille débarrassés de leurs films ainsi qu’une gousse d’ail en chemise et une branche de thym. Faire colorer sur feu vif puis débarrasser et faire décanter sur une petite grille.
Gratter les pieds des girolles avec un couteau d’office, brosser les chapeaux avec un pinceau légèrement humide. Faire sauter dans les sucs et le gras de cuisson de poularde pendant quelques minutes, débarrasser et assaisonner.
Mouiller avec le vin de Madère et faire réduire à l’état de glace, ajouter le jus de poularde-écrevisse et remettre les morceaux de poularde pour bien les enrober. Ajouter enfin les girolles et les queues d’écrevisses pour les réchauffer.
Terminer en marbrant la sauce avec la crème montée, ajouter quelques gouttes de vinaigre de Barolo et un tour de moulin à poivre. Servir très chaud.